Forteresse Fregoso
Du haut d’un rocher dénommé “Sasso del Lupo” ou “Pietra anellaria”, cette spectaculaire forteresse domine et surveille Sant’Agata Feltria en Romagne d’un côté et la vallée du fleuve Savio du haut de la falaise au nord-ouest de l’habitat. Elle est célèbre pour être considérée comme la Forteresse des Fables: un sentier pittoresque mène à une petite clairière verdoyante devant le château construit en regroupant cinq corps de bâtiment autour d’une petite cour intérieure, comme en témoignent les différentes techniques de construction clairement visibles et les différents matériaux utilisés au fil des siècles pour les travaux de surélévation et d’aménagement.
Les parois de la falaise - grises en grès et calcaire marneux - tombent à pic sur trois quarts du périmètre avec 30 mètres de dénivellement maximal entre le bâtiment et le pied de la falaise.
Les remparts de la forteresse ont été construits avec des blocs de pierre de différentes origines et de différentes sortes, du grès pour la plupart, placés essentiellement en parallèle. Leur épaisseur varie entre 0,50 mètres minimum et 3 mètres maximum, ce qui laisse supposer que différentes techniques de construction ont été utilisées. La forteresse présente toute une série de corbeaux en briques surmontés d’un mur de 0,50 à 0,70 mètres d’épaisseur réalisé avec des pierres provenant de fleuves ou de carrières.
Le bâtiment compte cinq étages : la cave, le rez-de-chaussée, le premier étage, et le deuxième étage ou étage des corbeaux et les combles.
Dans la cave se trouvent deux citernes et quatre pièces. Toutes les pièces sont en partie plâtrées et sans sol, avec des voûtes en berceau en pierres ou en briques.
Un peu d'histoire
La forteresse fut probablement construite aux alentours de l’an Mille par la famille Cavalca des Comtes de Bertinoro qui à l’époque dominait le territoire sur investiture ecclésiastique. Vers l’an 1100, elle fut agrandie par Altruda Frangipani, toujours de la famille des Cavalca, qui gouverna la région avec justice et sagesse, faisant ainsi oublier les méfaits de son fils et de son époux, des hommes au tempérament guerrier, très enclins aux combats. En 1125, une bulle du pape Honorius II mentionnait la forteresse.
Après la fin de l’époque des comtes de Bertinoro - qui gouvernèrent Sant’Agata Feltria entre la fin de l’année 900 et la fin de l’année 1100 - la forteresse passa aux mains de l'archevêché de Ravenne puis des familles des Faggiolani, des Guidi, des Tarlati, des Brancaleoni, des Malatesta et des Montefeltro.
Et c’est justement sous la domination de cette dernière famille, au cours de la deuxième moitié du XVe siècle, que la forteresse fut radicalement transformée, sur une initiative de Frédéric de Montefeltro qui confia les travaux de rénovation de ses forteresses, dont celle de Sant’Agata, au célèbre architecte militaire de Sienne, Francesco di Giorgio Martini ; Ces interventions architecturales firent de ce puissant bastion de défense une demeure princière destinée à la famille Fregoso. Entretemps, Agostino Giovanni Fregoso se réfugia auprès des Montefeltro pour fuir le climat hostile qui s’était créé à Gênes. Federico, comme toujours clairvoyant et habile diplomate, comprenant toute l’importance de l’amitié d’une famille aussi prestigieuse, donna en mariage sa fille Gentile Feltria à Agostino Fregoso avec en dot, douze châteaux et tout autant de territoires, dont Sant’Agata Feltria. De cette union heureuse entre Agostino Fregoso et Gentile Feltria, naquirent quatre enfants : le cardinal Federigo, Margherita, Costanza et Ottaviano.
Il semblerait que la forteresse du XVe siècle ait englobé l’ancien complexe original. Progressivement agrandie et embellie par des œuvres d’art, le château se présentait désormais comme une structure défensive imposante à l’extérieur et une résidence élégante à l’intérieur. Ces travaux avaient donc pour but de transformer un ancien bastion militaire en une demeure fortifiée fastueuse et accueillante destinée à la fille de Federico et au noble Agostino Fregoso. Entre la fin du XVIe siècle et le début du XVIIe, sous le règne des Fregoso, dont elle prend le nom, le bâtiment fit l’objet d’autres travaux de rénovation et, après avoir perdu son importance stratégique suite à l’évolution des équilibres politiques, le château fut transformé en une résidence abandonnant ainsi définitivement son aspect militaire. La forteresse fut progressivement agrandie et surélevée d'au moins deux étages au-dessus des crénelures du XVe siècle pour réaliser l’étage noble ; à l’intérieur, son aménagement fut lui aussi entièrement modifié avec l’ajout d’un nouvel escalier et sa décoration embellie d'œuvres d’art, comme le montrent les rares exemplaires parvenus jusqu’à nous, tels que les plafonds à caissons du premier étage, les cheminées monumentales de la Renaissance, la chapelle hexagonale décorée de fresques du XVIe siècle.
En 1160, Sant’Agata et son château retournèrent aux mains de l’Église et continua à être utilisée comme résidence au moins jusqu’en 1781 lorsqu’elle fut transformée en couvent ; à cette occasion, les conventuels firent édifier l’église consacrée à Saint François de la Rose, adossée au fort. Au cours des deux derniers siècles, la forteresse fut utilisée comme Couvent des Frères Mineurs Conventuels, école supérieure, prison, tribunal puis habitation civile.
La partie supérieure du Mastio Maggiore (donjon majeur) s’écroula le 18 janvier 1835. En revanche, la tourelle de Simonetto Fregoso abritant la chapelle est quant à elle bien conservée. En 1877, d’autres travaux de réfection furent entrepris suite aux éboulements provoqués par les mouvements de la roche sur laquelle repose le bâtiment.
En 1951, des pluies abondantes créèrent des fractures dangereuses le long de la masse rocheuse au nord, provoquant le détachement en 1961, d’une énorme masse rocheuse d’une trentaine de mètres de hauteur qui laissa en équilibre la partie nord de la forteresse.
En 1974, après les travaux de réfection, un musée fut ouvert contenant les documents des archives historiques du rectorat de Sant’Agata, des meubles et des objets rares du début du XXe siècle, une collection d'œuvres graphiques regroupant des manuscrits, des ex-libris, des lithographies publicitaires, des premières éditions précieuses d’auteurs italiens et européens.
En janvier 2005, d’autres travaux de réfection furent entrepris sur les sols et le toit de la forteresse, qui resta fermée pendant deux années environ.
Source : Rocca delle Fiabe